Le cerveau réalise un véritable exploit d'équilibrisme chaque fois qu’il apprend une nouvelle langue ou un nouveau dialecte, et le simple fait d'étudier une nouvelle langue est en soi une gymnastique cognitive ! Avoir un cerveau multilingue, c’est un peu comme augmenter le « volume » de la langue que l’on utilise à un instant T et baisser le volume des autres langues : c'est ainsi que l’on parvient à utiliser une seule langue à la fois. Les personnes qui utilisent la commutation de code ou plusieurs langues dans une même phrase ou conversation doivent quant à elles augmenter le volume de plusieurs langues à la fois !

Voici ce que l’on sait sur le cerveau des personnes multilingues :

Les langues peuvent avoir des « volumes » cognitifs différents. 

Le niveau de volume cognitif d’une langue est lié à des facteurs tels que le niveau de maîtrise de la langue, l'âge auquel on l’a apprise ou encore la fréquence à laquelle on l’utilise.

Baisser le volume d’une langue peut demander plus ou moins d’énergie mentale.

Il faut plus d'efforts pour baisser le niveau d'activation d'une langue que l'on utilise fréquemment. Au contraire, il est plus simple d’inhiber une langue que l'on vient tout juste d’apprendre.

Lorsque l’on utilise une langue apprise récemment ou que l’on maîtrise moins, il faut plus d’efforts pour revenir à sa langue principale !

Si vous êtes francophone et avez commencé à apprendre l’anglais, votre cerveau doit faire un effort considérable pour inhiber votre français afin de vous permettre de vous exprimer en anglais. Puis pour revenir au français, votre cerveau doit une nouvelle fois redoubler d’efforts pour annuler les effets de l'inhibition du français ! Ces courts délais lors du changement entre les langues, qui sont souvent de l’ordre d’à peine quelques centièmes de seconde, sont appelés switch costs en anglais, que l’on pourrait traduire par « coûts de l'alternance de l'attention » ou « coûts de changement ».

Les scientifiques étudient ces minuscules délais entre les langues les plus maîtrisées et les langues les plus faibles (et vice versa !) à travers des expériences où des personnes bilingues doivent nommer à voix haute des objets présentés sur des supports visuels. Ils mesurent ainsi le temps nécessaire aux participants pour prononcer le nom de l'objet.

L'équilibre entre les langues est différent pour chaque personne bilingue et pour chaque combinaison de langues.

Le « volume » exact de chaque langue et les « coûts de changement » d'une langue à l'autre dépendent du degré de similitude entre les langues et de l’expérience que l’on a avec chacune d'elles. Par exemple, les mots apparentés (comme « aventure » en français et « adventure » en anglais) sont généralement nommés plus rapidement que les mots qui ne se ressemblent pas.

Le volume d’une langue peut changer avec le temps.

Le volume d’une langue peut augmenter ou diminuer au cours d’une vie, selon la fréquence d’utilisation et d’interaction avec celle-ci. Si on a beaucoup utilisé une langue au cours de son enfance, mais qu’on l’a laissée de côté en entrant dans la vie active, son volume baissera inévitablement au fil du temps. Mais il sera tout à fait possible de l’augmenter de nouveau dans le futur !

Le cerveau au centre de la recherche 🧠

Il est incroyable de constater à quel point notre cerveau est flexible et bien équipé pour gérer plusieurs langues. Il faut du temps pour que le « volume » d'une nouvelle langue devienne aussi fort que celui des autres langues déjà acquises, mais la recherche montre qu'avec le temps et beaucoup de pratique, le cerveau finit par faire des progrès !