Cette semaine encore, nous vous donnons nos meilleurs conseils pour apprendre avec notre rubrique Cher Duolingo. Retrouvez tous nos précédents articles ici.
La question de la semaine mérite une attention particulière car elle touche à des aspects essentiels de l’évolution linguistique. Sans plus attendre, la voici :
La question de la semaine :

Les homophones existent dans de nombreuses langues… mais d’où viennent-ils vraiment ? Les mots qui se ressemblent ou se prononcent exactement pareil peuvent prêter à confusion à l’oral et poser des difficultés quand on apprend une langue. Pourtant, plusieurs facteurs expliquent ces similarités sonores dans une même langue.
1. Une langue ne dispose que d’un nombre limité de sons.
L’une des premières raisons, c’est que chaque langue n’utilise qu’un nombre restreint des sons que la bouche humaine est capable de produire. Il en va de même pour les langues des signes, qui ne font appel qu’à un nombre limité de formes, positions et orientations possibles des mains et du corps.
On peut retrouver la liste complète des sons individuels répertoriés dans les langues à travers le monde dans les tableaux de l’alphabet phonétique international, mais chaque langue n’en utilise généralement que quelques dizaines.
Chaque langue suit également des règles précises concernant l’emplacement des sons, les combinaisons possibles pour former des mots et l’impact des tons sur le sens d’un mot. Au vu des contraintes liées à ces règles linguistiques et aux nombreux sens qu’une langue doit pouvoir communiquer, il n’est pas surprenant que certaines combinaisons soient utilisées plusieurs fois.
Il arrive aussi qu’un mot se prononce de la même façon qu’un groupe de mots, car une langue puise dans un même ensemble de sons pour créer des mots et des phrases. Par exemple, la contraction they’re (« ils sont ») en anglais se prononce de la même façon que there (« là ») ou encore their (« leur »).
La même chose se produit en espagnol avec le verbe haber (l’auxiliaire signifiant « avoir », comme dans haber comido, « avoir mangé ») et l’expression a ver (qui correspond à notre expression « à voir » en français). Comme on ne prononce pas le « h » en espagnol et que les sons « b » et « v » se prononcent de la même façon, ces deux expressions finissent par être identiques à l’oral. Cela peut se répercuter à l’écrit et entraîner des fautes d’orthographe.
2. La prononciation a été adaptée d’une autre langue.
Quand une langue emprunte un mot à une autre langue, dans la plupart des cas, les sons de ce mot sont adaptés aux sons et aux règles de prononciation de la nouvelle langue. En d’autres termes, même si le mot se prononçait différemment au départ, il peut devenir un homophone une fois les sons adaptés.
C’est en partie ce qui explique toutes ces vidéos sur les réseaux, où l’on s’étonne que tant de mots français aient la même prononciation. Vous n’avez pas pu passer à côté de « Ton tonton tond ton tonton » ou « Le ver vert va vers le verre vert » ! Souvent, les mots sont à l’origine issus de langues différentes, puis ils ont été francisés et ont continué d’évoluer au fil du temps.
3. Autrefois, la prononciation des mots était différente.
C’est un phénomène assez courant : la prononciation change avec le temps, et il suffit de quelques évolutions successives pour que des mots qui n’avaient rien à voir à l’origine se prononcent aujourd’hui de façon identique.
Comme on l’a vu précédemment, le « h » est muet en espagnol… mais cela n’a pas toujours été le cas ! Beaucoup de mots avec un « h » muet viennent en fait du latin, qui était avant un « f ». Par exemple, les adjectifs hondo (profond) et honda (profonde) viennent du mot latin PROFǓNDUS. Celui-ci est devenu perfondo en espagnol, puis perhondo, avant que le préfixe per- finisse par disparaître, ne laissant que hondo et honda. Et aujourd’hui, les mots profundo et fondo existent aussi en espagnol… car ils ont de nouveau été empruntés au latin *après* que le « h » est devenu muet. Un vrai périple linguistique !
Pendant ce temps-là, l’un des mots latins désignant une « vague » était ǓNDA, qui est devenu onda en espagnol. Une histoire bien plus courte, mais tout aussi intéressante, pour l’autre moitié de la paire d’homophones honda~onda !
4. Certains mots se ressemblent à l’oral à cause d’autres règles de prononciation.
Les langues ne se contentent pas d’avoir des règles précises sur la prononciation de chaque son : elles ont aussi des règles complexes sur la façon de combiner les mots et les affixes (préfixes, suffixes et autres éléments que l’on peut ajouter à un mot). Et parfois, ces combinaisons donnent des mots qui se prononcent presque pareil !
Les mots anglais daze et days forment une paire d’homophones à cause de la façon dont on prononce le -s du pluriel : quand un mot se termine par une voyelle, le -s du pluriel se prononce comme un « z ». C’est cette transformation sonore qui fait que days se prononce comme daze !
5. Un sens unique a donné naissance à plusieurs sens différents.
Il est courant qu’un mot prenne des interprétations ou des nuances légèrement différentes selon le contexte. Avec le temps, ces petites variations peuvent évoluer et finir par donner lieu à des usages bien distincts, qui semblent alors parfois n’avoir aucun lien entre eux !
Prenons le mot anglais bug, par exemple : il peut désigner un insecte, un problème informatique, ou être utilisé comme verbe pour dire « déranger » ou « placer sur écoute ». Même si ces significations paraissent très différentes, elles viennent probablement toutes d’idées associées aux insectes : ils nous agacent en volant autour de nous, s’invitent là où ils ne devraient pas, etc.
6. En réalité, ils ne se prononcent pas de la même façon. 😱
Lorsqu’il s’agit d’une langue que l’on apprend, il se peut également que les mots ne soient pas vraiment prononcés de la même manière. Les locuteurs natifs perçoivent souvent ces nuances essentielles, tandis que les apprenants, eux, sont encore en train d’entraîner leur oreille à faire la différence.
Par exemple, pour un anglophone, meet (rencontrer) et mitt (mitaine) sont des mots totalement différents et sans aucune confusion possible. Mais pour quelqu’un qui apprend l’anglais et dont la langue maternelle ne possède pas le son « ih » de mitt (IPA: /ɪ/), les voyelles de meet et mitt seront initialement traités de la même manière. Il faut beaucoup de temps d’écoute et de pratique pour que le cerveau apprenne à faire la distinction.
Un autre contraste sonore particulièrement complexe vient du hindi, et beaucoup d’apprenants (même la plupart !) ne perçoivent simplement pas la différence. C’est une sorte d’hallucination homophonique ! Le hindi possède quatre consonnes très similaires, notées /p/, /b/, /ph/ et /bh/ en alphabet phonétique international. La différence tient à deux choses : la vibration des cordes vocales quand on les prononce (c’est le cas pour /b/ et /bh/, mais pas pour /p/ et /ph/) et si un petit souffle d’air est libéré juste après (c’est le cas pour /bh/ et /ph/, mais pas pour /b/ et /p/).
Les anglophones ont l’habitude d’utiliser leurs cordes vocales pour faire vibrer certains sons et pas d’autres. Ils relâchent même ce petit souffle d’air après de nombreux sons en « p », comme dans puff (bouffée d’air), mais n’y ont probablement jamais fait attention car leur cerveau n’est pas habitué à le reconnaître. Par exemple, les anglophones ne le perçoivent souvent pas après les sons en « b » et peuvent facilement confondre un /p/ sans souffle d’air avec un /b/.
Ah, et en passant : le hindi fait aussi cette distinction avec le souffle d’air et la vibration des cordes vocales pour les sons « t » et « d », ainsi que « k » et « g » 😅😵💫
Tendez bien l’oreille !
La plupart du temps, le contexte suffit à différencier les homophones, donc il faudra beaucoup de pratique pour comprendre comment les mots s’articulent dans une phrase. Alors, ne lâchez rien et persévérez !
Envoyez-nous vos autres questions sur les langues et l’origine des mots à l’adresse dearduolingo@duolingo.com.